Passé par la prestigieuse école Ferrandi, le Cfa Médéric et Les Bouquinistes de Guy Savoy, Kevin Zwygart est un pâtissier passionné et féru de travail. Chez Les Commis, on a repéré cet artiste prometteur et on est fier de proposer ses créations à la carte !
LES COMMIS : Qu’est-ce qui t’a séduit chez Les Commis ?
KEIVIN ZWYGART : C’est le fait de rendre mon travail plus accessible. Bien que le restaurant où je travaille, Les Bouquinistes, ne soit pas étoilé, ça implique une certaine prestation et une certaine qualité de service qui se paye. Proposer des desserts à la carte des Commis, c’est une façon de me confronter à un nouveau cahier des charges, à un autre format en somme. C’est un vrai défi avec des contraintes auxquelles je ne suis pas habitué. Ca me force à imaginer des desserts un peu plus simples, à la portée de tous, rapides à faire… en bref, des desserts moins élaborés mais tout autant efficaces ! Aussi, je trouve ça génial que des gens puissent s’amuser à cuisiner des desserts que j’ai imaginé pour eux.
LES COMMIS : Parle-nous des desserts que tu as créés pour Les Commis…
KEVIN
ZWYGART : J’ai voulu des desserts avec des fruits de saison, car c’est mon
leitmotiv. Chacune de ces créations est le résultat d’une adaptation de
desserts que j’ai déjà faits à la carte du restaurant, reformatés pour Les
Commis. Le premier est construit autour de la fraise, du poivron et de la
vanille ; le deuxième, autour de la rhubarbe, l’huile d’olive et la
pistache.
LES COMMIS : Voilà des associations originales et audacieuses ! Où trouves-tu toutes ces idées ?
KEVIN ZWYGART : Je lis énormément ! Quelque chose qui est primordial pour moi est de me cultiver gastronomiquement. Ca peut paraître bizarre, mais j’ai plus de plaisir à me faire un resto qu’une expo. Je trouve ça très important d’être curieux et d’avoir un appétit pour l’inconnu. C’est comme ça que je me suis intéressé aux légumes qui, par leur côté sucré, ont un gros potentiel à exploiter en pâtisserie. Dans le poivron, la betterave, le concombre, la tomate et bien d’autres légumes, il y a du sucre sous forme de fructose ou de cellulose et on peut aisément s’en servir pour faire des desserts. Le côté légumineux apporte un côté très frais qui contraste avec les fruits. On peut également les condimenter comme en cuisine avec de la bonne huile d’olive par exemple qui elle aussi a un côté fruité. Tout ça se décline à l’infini !
Je trouve aussi beaucoup d’inspiration en voyageant. J’ai puisé beaucoup de choses dans le sud de la France, chez mes grands parents dans le Roussillon mais aussi en Italie et en Espagne que je considère comme un véritable jardin d’Eden ! Même si ces pays n’ont pas forcément une culture pâtissière très développée, on y trouve de superbes fruits et des produits typiques excellents que j’intègre souvent dans mes desserts. Je m’inspire aussi beaucoup de la Scandinavie où la façon de penser l’alimentation est réglée sur un hiver très long et rude, et une saison estivale très courte. Il y a d’un côté tout un travail de recherche pour conserver les aliments parfois jusqu’à 8 mois, et de l’autre, une période de fête basée sur le plaisir, les baies, les fruits, etc.
Il y a aussi le Pérou où j’ai pris conscience de la diversité des goûts et des assemblages, et la richesse des produits comme la pomme de terre ou les nombreuses variétés de céréales. Je pense également au Mexique où j’ai été enthousiasmé par les épices par exemple ou encore le piment japaleño qui, quand je l’ai goûté, m’a donné des frissons dans la nuque.
Tous ces éléments qui m’inspirent, je les rassemble dans des moodboards par catégories : matériel, ingrédients, méthodes… J’absorbe tout cela petit à petit dans mon processus de création, et je mets parfois un an avant d’utiliser telle ou telle source d’inspiration. Finalement, pour schématiser, mon process est en quelque sorte sous la forme d’une étoile avec un nombre de branches variable pouvant être : un outil, une saison, un ingrédient, une méthode, une couleur… autant de branches qui, ensemble, aboutissent au dessert fini au centre cette l’étoile.
LES COMMIS : Si on comprend bien, tu puises à la fois dans l’univers de la cuisine et dans celui de la pâtisserie pour créer tes desserts.
KEVIN ZWYGART : Exactement ! Je ne pense pas qu’il y ait de différence entre un pâtissier et cuisinier dans un restaurant, à part pour ce qui est des produits utilisés et de l’équilibre recherché. Ce sont des métiers très proches. En tout cas, en tant que pâtissier, j’échange aussi beaucoup avec mes collègues cuisiniers. Sans leur enseignement, je n’aurais jamais découvert la cuisson sous-vide, l’art de faire des jus, des émulsions, maîtrisé l’utilisation du siphon, recouru aux herbes aromatiques, ou su comment réaliser l’assaisonnement parfait. Le dialogue entre ces deux disciplines est pour moi primordial et la curiosité des deux côtés enrichit l’une et l’autre continuellement, alors qu’en boutique, on n’a pas forcément cet échange.
LES COMMIS : Pour résumer tout ça, pourrais-tu choisir 3 ou 4 mots qui décriraient ton style ?
KEVIN ZWYGART : Je dirais : déstructuré, classique revisité, coloré et fruité.
LES COMMIS : A qui aimerais-tu faire goûter tes desserts ?
KEVIN ZWYGART : A des gens qui m’impressionnent ! Comme François Perret par exemple. Ce qu’il fait est à la fois moderne et classique, très pop et très juste aussi dans les goûts, comme la tarte citron qu’il a faite à Omnivore cette année. Je pense aussi à Michael Bartocetti. Je l’admire pour son côté technique et technologique dont j’ai pu faire l’expérience en goûtant son tea time entièrement vegan. Je le respecte énormément pour sa recherche. Il y a aussi évidemment Clair Heitzler anciennement au restaurant Lasserre et François Daubinet au Taillevent qui fait un travail colossal, très raffiné, avec un coté graphique moderne et des associations de saveurs qui me plaisent beaucoup comme par exemple avec son dessert Mangue / Sésame Noir / Noix de Coco. Ces trois pâtissiers ont un style qui se rejoint et en même temps, chacun a son expression propre. Ce serait un honneur pour moi de leur faire goûter mes desserts et d’avoir leur avis !
LES COMMIS : Tu mentionnes le tea time vegan de Michael Bartocetti. Il nous semble que toi aussi, tu t’es essayé aux desserts vegans.
KEVIN ZWYGART : Oui, j’aime les défis ! Et réaliser un dessert sans matière animale en est un. C’est passionnant dans le sens où il faut ruser en utilisant des ingrédients qu’on ne connaît pas forcément ou qu’on n’a pas l’habitude d’utiliser en sucré, il est indispensable de se replonger dans ses cours de techno pâtissière pour réfléchir sur les interactions de ces nouveaux ingrédients (valeurs nutritionnelles, matières sèches…)
Après, je ne pense pas que les desserts vegans en viennent à se généraliser ou du moins à prendre une place proéminente, Il en faut pour tout le monde, et les végétaliens sont moins nombreux que les gens qui n’aiment pas le chocolat ! Quoiqu’il en soit, je pense que c’est passionnant de trouver continuellement de nouvelles choses à manger et avec lesquelles cuisiner. C’est en tout cas cela qui m’intéresse dans le défi de réaliser un dessert vegan.
LES COMMIS : Pourrais-tu nous recommander des restaurants ou des pâtisseries à Paris ?
KEVIN ZWYGART : Côté restaurant, j’aime beaucoup Dessance pour son approche qui sort des codes gastronomiques du repas français en proposant un menu qui part d’une base plutôt salée et qui glisse progressivement vers du sucré. C’est une vraie prouesse et le résultat est remarquable. Christophe Boucher est très créatif et produit des plats très graphiques. Ce n’est pas nécessairement mon style mais je salue l’immense créativité – le côté artistique – et l’entreprise créée autour du concept – le côté artisan. Parce que la pâtisserie est un art qu’il faut réussir à vendre !
Si je devais vous recommander des boutiques, je choisirai Des Gâteaux et Du Pain de Claire Damon ou Pierre Hermé pour la justesse de ses desserts aux fruits notamment – je me suis pris une claque en goûtant le Baba Pistache Kirsch et Fraise !
LES COMMIS : On a remarqué que tu étais très actif sur les réseaux sociaux. Que t’apportent ces moyens de communication ?
KEVIN ZWYGART : Oui en effet, j’ai un compte Instagram, un Tumblr, un compte Twitter et un profil Linkedin où l’on peut voir mes créations et en apprendre plus sur moi professionnellement. Ce n’est pas du tout pour flatter mon ego mais plutôt un outil pour montrer aux gens ce que je fais, comme une sorte de portfolio, et aussi pour garder une trace. C’est avant tout pour moi que je le fais. C’est comme un book à partir duquel un potentiel recruteur pourrait rapidement comprendre mon style, ma façon de travailler, connaître mon parcours… Et globalement savoir de quoi je suis capable.